le municipalisme libertaire de murray brookchin dans la traditon de la critique sociale

Le Municipalisme libertaire: Qu’est-ce que c’est?

Le Municipalisme libertaire est un projet de transformation de la société, par la mise en œuvre de la démocratie directe. Il a été élaboré par le philosophe et activiste Murray Bookchin (1921-2006).

Contre la domination par une minorité

Murray Bookchin rejette la proposition selon laquelle les systèmes de gouvernement de nos sociétés constituent des démocraties véritables. Bien que présentant davantage de traits démocratiques que les dictatures ou les monarchies absolues, les États modernes sont avant tout de grandes structures permettant la domination de quelques-uns sur tous les autres.

Placés au-dessus des simples citoyens, ces États affectent la vie quotidienne des gens, par leur pouvoir et leurs décisions. A travers leurs polices et leurs armées, ils se sont même arrogés le monopole de l’usage de la violence légitime.

Démocraties  représentatives?

Les systèmes de gouvernement de ces États sont appelés « représentatifs ». Les populations élisent un petit nombre d’individus pour être leurs représentants, dans les domaines législatif et exécutif.

Il n’y aurait pas de problème avec ce système si les électeurs « gardaient la main » sur leurs représentants. Ce mode de gouvernement pourrait être véritablement démocratique si les représentants devaient rendre compte de toutes leurs actions et étaient révocables à tout instant.

Dans les faits, la professionnalisation de la politique a conduit à une autonomisation des politiciens, par rapport au reste de la population.

A lire aussi, un article sur le concept d’autonomieEn faisant carrière au sein de l’appareil d’État qui est dominé par la puissance de l’argent, ils sont tentés ou amenés à en partager les objectifs. Ces buts sont de sécuriser les intérêts de la minorité la plus riche et non pas de promouvoir l’autonomie des citoyens et la redistribution de la richesse.

Politique et art d’exercer le pouvoir

L’usage conventionnel du terme « politique » en fait l’équivalent de l’art d’exercer le pouvoir. Pourtant les deux notions ne se recouvrent pas.

« Politique » doit avant tout s’entendre comme direction des affaires, au moyen de la délibération et par la prise de décisions collectives.

Pour que la politique redevienne véritablement démocratique, le Municipalisme libertaire propose la mise en place d’institutions participatives, comme les assemblées populaires. Ces institutions fonctionnent sur la base de rapports coopératifs, horizontaux et solidaires. Ils remplacent les rapports de hiérarchie, de domination et d’exploitation qui prévalent actuellement.

Présentement, la perspective de parvenir à une gestion des affaires communautaires par le peuple paraît mince. Mais il faut garder à l’esprit que la démocratie directe a existé à des périodes historiques qui ne sont pas si éloignées de nous : démocratie athénienne -5è s. , communes médiévales 12-14è s., assemblées municipales de Nouvelle-Angleterre 17è s., sections parisiennes de 1793, Commune de Paris de 1870, Espagne des années 1930… De nos jours, la mise en pratique de la démocratie directe fonctionne un peu partout à travers le Monde : Porto Allegre, Chiapas, Kerala, Barcelone, Saillans…

Les Municipalités

Pour parvenir à son objectif, le Municipalisme libertaire propose d’opérer une transformation en partant de la base.

L’idée est de revitaliser la politique au niveau local.

Il s’agit de donner le pouvoir aux gens afin de se débarrasser des processus sociaux destructeurs. Ce programme passe par la constitution de Municipalités et d’Assemblées populaires.

Les Municipalités sont fondées par des petits groupes de personnes, sur leur lieu de vie ou de travail. Chaque Municipalité se donne un règlement interne et un nom simple à retenir. Elle essaie ensuite de convaincre les citoyens alentours de la rejoindre. Pour ce faire, elle utilise deux ou trois arguments essentiels portant sur des enjeux de proximité, sur la démocratie directe ou sur les questions d’écologie.

La Municipalité met l’éducation populaire au centre de son activité et tente de s’imposer comme acteur clé de la vie quotidienne.

La Municipalité organise des Assemblées locales de citoyens.

Les Assemblées de citoyens

Les Assemblées ouvertes à tous débattent des questions locales, régionales ou même internationales, si elles le désirent. Elles publient des résolutions et des déclarations qui expriment leurs points de vue. Elles formulent des demandes collectives concrètes, sociales et écologiques. Elles élaborent des programmes concis et les diffusent.

Au fur et à mesure que les citoyens en comprennent la signification et participent aux réunions, les Assemblées acquièrent un pouvoir moral grandissant.

Elles peuvent alors solliciter les conseils municipaux afin d’obtenir une reconnaissance légale. Les Assemblées peuvent aussi présenter des listes aux élections municipales. Pour ce faire, elles désignent des délégués.

Ces délégués doivent rendre compte de leurs actions. Ils sont révocables à tous moments.

Les programmes élaborés par les Assemblées peuvent servir aux représentants quand ils sont en campagne pour les élections municipales mais aussi en tous temps pour l’éducation populaire. C’est là un point important à souligner. L’objectif prioritaire des Municipalités et des Assemblées est la construction d’un champ politique propice au développement de la démocratie directe.

Municipalisme et élections locales

Le but n’est pas de tenter d’élire un conseil municipal « plus éclairé » qui mettrait en place une politique locale plus progressiste ou plus respectueuse de l’environnement.

L’objectif maximal du mouvement est de créer une véritable démocratie directe au niveau municipal et au-delà.

A ce titre, les campagnes électorales constituent d’abord des occasions de faire connaître les idées municipalistes et de susciter des débats. Remporter un succès électoral avant que ces idées soient bien implantées dans les mentalités pourrait s’avérer un résultat contre-productif.

En effet, c’est seulement dans une communauté dont la conscience politique est suffisamment développée que les procédures et les pratiques de démocratie directe pourront s’appliquer de manière fonctionnelle.

A lire aussi, un article sur le pouvoir social Les tenants du Municipalisme libertaire en tirent la conclusion que leur mouvement doit grandir lentement, par une éducation sans relâche. Ils rappellent constamment que leur objectif n’est pas de grossir l’élite qui exerce le pouvoir mais de créer les conditions pour l’exercice du plus haut degré possible de démocratie directe.

Gilles Sarter


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1 commentaire

Mess Mari

Bravo !

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