« Social » n’est pas un vain mot pour Erik Olin Wright. Science sociale émancipatrice, rapport social d’exploitation, classes sociales, inégalités sociales, pouvoir social, socialisme. Comme qualificatif ou comme radical, le mot « social » est présent dans les principales notions, qu’il élabore et utilise, tout au long de son œuvre.
Ce livre propose une introduction à ces notions, aux rapports que E.O. Wright tisse entre elles, à la compréhension du monde social et aux perspectives de changements qu’elles soutiennent.
Pour qui souhaite découvrir comment on fait de la sociologie, l’œuvre du sociologue américain constitue une bonne entrée en matière. Pour celui qui s’est déjà intéressé à cette discipline, elle propose une manière qui diffère peut-être de celles qu’il a découvertes, chez d’autres sociologues. En effet, c’est principalement à partir de l’examen de l’agencement des relations sociales qu’il tente d’expliquer des phénomènes sociaux comme les inégalités, les discriminations, les conflits ou encore la précarité.
E.O. Wright situe sa démarche au sein de la tradition sociologique marxiste.
Il dit avoir trouvé le point d’appui de ses investigations, dans ce qu’il considère comme en être le cœur conceptuel, les classes sociales résultent de la relation d’exploitation. La proposition qui accompagne cette hypothèse est que les modalités de reproduction et de transformation des sociétés capitalistes sont largement explicables par leur division en classes sociales. Bien sûr, la réalité est plus complexe et de nombreux phénomènes doivent aussi être expliqués par d’autres formes d’agencements sociaux. Mais pour E.O. Wright, l’idée centrale demeure que « les classes comme exploitation » constitue le niveau d’explication le plus englobant et le plus cohérent que propose la sociologie marxiste.
Si E.O. Wright voit dans le marxisme, une tradition forte de l’analyse sociologique, il avance aussi qu’y adhérer implique un engagement normatif fort. De toute son œuvre, on peut dire qu’elle concerne, à un point ou à un autre l’analyse du capitalisme et la recherche d’alternatives à des agencements sociaux qu’il diagnostique comme préjudiciables pour la plupart des individus.
Au fond, la grande question qui a motivé ses investigations a été celle de la mise en place d’une solution de rechange au capitalisme.
Selon sa propre expression, la marque de fabrique de nos sociétés actuelles est celle de la pauvreté au beau milieu de l’abondance. Et si ce n’est pas là leur seul aspect négatif, c’est pour lui, le plus décisif. Le système économique capitaliste va de pair avec la destruction de vies humaines, la précarité pour tous ceux qui se situent au bas de l’échelle du marché du travail, un travail aliénant et fastidieux pour la majorité de la population, sans parler d’un appauvrissement existentiel engendré par le consumérisme effréné.
Dès lors, la question cruciale qu’il pose n’est pas de savoir si les institutions capitalistes ont permis d’améliorer les conditions de vie matérielles moyennes, sur le long terme. Elle est plutôt de savoir si les choses pourraient aller mieux et si des formes de souffrance pourraient être éliminées, si nous nous organisions différemment.
A cette interrogation, E.O. Wright répond par l’affirmative. Un autre monde est possible. Dans ce nouveau monde les conditions d’épanouissement de la plupart des gens pourraient être améliorées. Et, il se trouve que des formes d’organisations sociales existent déjà qui peuvent conduire, si nous empruntons la voie qui convient, à la construction de ce monde meilleur.
Ainsi, l’anticapitalisme de E.O. Wright recouvre deux postures. La posture critique concerne l’analyse des conditions sociales de production des injustices et des préjudices, au sein du système capitaliste. La posture pratique vise la construction d’une alternative pour l’émancipation humaine. Ces deux postures définissent le cadre de ce que le sociologue appelle la « science sociale émancipatrice ».
De manière générale, les écrits de E.O. Wright, plus de vingt ouvrages et une centaine d’articles, se caractérisent par une grande clarté d’expression. Leur auteur n’utilise aucun jargon complexe. Pour les lecteurs français, la seule difficulté (si c’en est une) à aborder son œuvre résulte du manque de traductions.
Envisioning Real Utopias, trad. Utopies Réelles (La Découverte,2017).
A ce jour, un seul ouvrage a été traduit dans notre langue. Un deuxième est en cours de traduction.
Notre parti pris dans la rédaction de ce livre ainsi que l’attitude que nous proposons aux lecteurs d’adopter sont alignés sur le conseil donné par Karl Jaspers, dans ses Remarques sur les lectures philosophiques. Il s’agit avant tout d’une attitude de confiance et de sympathie pour la pensée de l’auteur et pour son sujet. Ce n’est qu’après s’y être laissé prendre complètement que l’on peut en émerger à nouveau et qu’une critique peut commencer.
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