La sociologie relationnelle de Pierre Bourdieu

La sociologie de Pierre Bourdieu est une sociologie relationnelle. Elle met l’accent sur l’examen des relations entre agents sociaux individuels ou collectifs. Cette approche relationnelle amène le sociologue à forger les notions d’espace social et de champ social qui servent à appréhender la structure et le fonctionnement des sociétés modernes.

Approche relationnelle

Toutes les sociétés sont caractérisées par l’existence de positions sociales. Ainsi chaque société définit la position sociale de femme, d’homme, d’adulte et d’enfant. Certaines positions sociales sont spécifiques à des formes de sociétés données, par exemple, les positions de seigneur, prêtre et serf dans les sociétés féodales.

Les positions sociales sont reliées entre elles par des relations qui sont également le résultat de constructions sociales. Ainsi, la relation seigneur-serf dans la société féodale et la relation adulte-enfant dans la société moderne sont encadrées par des règles coutumières, légales, etc..

Les relations entre positions sociales peuvent prendre la forme de relations de domination, d’exploitation, d’oppression ou d’égalité, de solidarité, de coopération, etc.. La relation seigneur-serf est une relation d’exploitation. Le seigneur s’approprie une partie du produit des efforts déployés par ses serfs. La relation adulte-enfant est une relation de domination.

La sociologie relationnelle peut tenter de mettre au jour la structure et le fonctionnement d’une société (ou d’une sphère activité sociale au sein d’une société), en mettant au jour les positions sociales existantes et les relations qui les attachent entre elles.

Positions sociales

Pierre Bourdieu avance qu’une tâche du sociologue consiste à représenter la nature relationnelle d’un monde social donné, sous la forme d’un espace social. L’expression « espace social » définit donc une représentation figurative (voir la figure ci-dessous).

Selon Pierre Bourdieu, les positions sociales, dans les sociétés capitalistes, sont déterminées par les propriétés des agents qui les occupent. Les deux propriétés ou « capitaux » pertinents pour définir les positions sociales sont le capital économique et le capital culturel.

Le capital économique est constitué par les revenus et le patrimoine financier, mobilier et immobilier. Le capital culturel existe sous trois formes. Sa forme objectivée englobe l’ensemble des biens matériels « culturels » (livres, journaux, tableaux, instruments de musique, ordinateurs, accès internet, abonnements,etc.). Sa forme institutionnalisée comprend les différents titres scolaires, diplômes et certificats. Enfin la forme incorporée du capital culturel est liée à l’apprentissage (savoirs et savoir-faire comme la maîtrise des langues, du dessin, d’un instrument de musique, de la danse,etc.).

Les deux formes de capital sont interchangeables. Le capital économique permet d’obtenir du capital culturel (payer une formation pour obtenir un diplôme, acheter un piano et prendre des cours pour apprendre à en jouer, etc.). Le capital culturel permet d’acquérir du capital économique, en particulier à travers les titres et les diplômes permettant d’accéder à des postes, des rémunérations, etc.

Espace social

L’espace social d’une société donnée (par exemple la société française moderne) est figuré par deux axes. L’axe vertical correspond à la quantité totale de capital détenu (capital économique + capital culturel). Plus le capital est important plus la position est située vers le haut de la figure. Inversement les positions les moins dotées en capital sont situées vers le bas de l’espace.

L’axe horizontal permet d’ordonner les positions en fonction de la composition relative du capital (+ de capital culturel / – de capital économique vers la gauche ; + de capital économique / – de capital culturel vers la droite).

Espace social (source Wikipédia)

Statistiquement, les différentes positions sociales sont caractérisées par des pratiques et des conditions matérielles de vie plus ou moins différentes selon leur éloignement. Il s’en suit que les agents ont d’autant plus en commun qu’ils occupent des positions plus proches dans cet espace et d’autant moins qu’ils sont plus éloignés.

Les différences entre positions fonctionnent comme des signes distinctifs et comme des signes de distinction, positifs ou négatifs et cela en dehors même de toute intention de distinction

Plus les agents occupent une position sociale située vers le haut de l’espace social plus leur position leur confère des profits matériels (revenus, biens matériels) et symboliques (prestige, honneur, respect, autorité). Le capital va au capital.

Les individus ou les familles qui occupent une position dominante qui leur apporte des profits ont un intérêt à adopter des stratégies de conservation de leur position dominante, pour eux-mêmes ou pour leurs descendants. Les individus ou les groupes qui occupent les positions dominées peuvent soit chercher à occuper de meilleures positions dans la structure sociale existante (ascension sociale), soit ils peuvent essayer de changer le monde social pour le rendre plus égalitaire (émancipation sociale).

Champ social

L’espace social fourni une représentation figurée de la structure sociale d’une société. La notion de champ social permet d’appréhender la structure et le fonctionnement des sphères sociales au sein d’une société : champ économique, champ étatique, champ universitaire, champ des médias, etc.

Chaque champ est plus ou moins autonome dans la mesure où les règles qui régissent son fonctionnement sont spécifiques (recherche du profit dans le champ économique, l’art pour l’art ou la science pour la science dans les champs de l’art et de la science). Toutefois, les différents champs qu’il s’agisse du champ de l’art, de la science ou encore des médias sont de plus en plus sous l’influence du champ économique.

Les champs sociaux sont à la fois des champs de forces et des champs de luttes. Ce sont des champs de forces parce que les agents y sont dotés de plus ou moins de ressources. Par exemple, dans le champ économique, les agents collectifs (entreprises) disposent de plus ou moins de capital économique, de capital de renommée, etc..

Ce sont des champs de luttes parce que les agents y entretiennent des relations de compétition pour la maîtrise des règles de fonctionnement du champ et pour l’appropriation des ressources spécifiques.

Les notions d’espace et de champ social permettent de contextualiser les interactions réelles entre individus ou entre organisations (entreprises, partis, etc.). Du point de vue social, tout ne se joue pas dans les différentes situations de face-à-face entre agents sociaux. Le déroulement d’une interaction sociale est toujours, pour partie, conditionnée par la manière dont s’établissent les relations entre positions sociales dans l’espace ou dans le champ social concerné.

Gilles Sarter

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